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CTRL+ESS – Épisode 1 – Age of Empires

 

Avez-vous déjà joué à Age of Empires ?

 

Quelques villageois, des moutons à attraper, du bois à couper… et très vite, une civilisation à faire prospérer.
Sorti à la fin des années 90, Age of Empires est un jeu de stratégie en temps réel qui vous plonge dans la peau d’un bâtisseur de civilisation.

Votre mission : collecter des ressources, développer votre économie, construire des infrastructures, former des alliances ou repousser les assauts ennemis — tout cela pour faire croître votre civilisation et l’amener à travers les âges.

Mais Age of Empires, ce n’est pas seulement un jeu pour passionnés d’Histoire ou amateurs de stratégie.
C’est aussi une véritable métaphore interactive des défis auxquels font face les organisations… et notamment celles de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS).

Derrière les unités à gérer et les villages à faire grandir, on retrouve des enjeux familiers aux structures de l’ESS :

👉 Comment coopérer durablement ?

👉 Comment répartir les ressources de manière équitable ?

👉 Comment grandir sans trahir ses valeurs ?

👉 Comment s’adapter à un environnement mouvant, parfois hostile ?

Dans ce premier épisode de CTRL+ESS, je vous propose de prendre Age of Empires — un jeu auquel j’ai beaucoup joué (et auquel mon fils joue encore plus que moi !) — comme une « geekerie ludique » pour explorer des questions très sérieuses : stratégie collective, gestion des ressources, développement, alliances, concurrence, résilience…

1. Le brouillard de guerre : découvrir un territoire inconnu

Dans Age of Empires, quand une partie commence, tout est sombre. Vous n’y voyez rien autour de votre base tant que vous ne partez pas en exploration.
Ce fameux « brouillard de guerre » est une réalité bien connue de toute structure de l’ESS qui s’implante dans un nouveau territoire.

On ne connaît pas les acteurs, les dynamiques locales, les alliances possibles ou les risques à anticiper. Il faut alors mobiliser ses « éclaireurs », c’est-à-dire aller sur le terrain, écouter, comprendre, cartographier.

🧭 Dans le jeu : envoyer des villageois ou des éclaireurs pour révéler la carte.

🤝 Dans l’ESS : rencontrer les élu·es, les associations existantes, les habitant·es, organiser une permanence mobile, cartographier les besoins non couverts…

 

2. Premiers pas : récolter, survivre, exister

La toute première phase d’Age of Empires, c’est la course aux ressources : nourriture, bois, or, pierre.
Il faut assurer la survie, construire un centre-ville, une ferme, une cabane de bûcheron.

C’est exactement ce que vit une jeune association qui débute : il faut trouver un local, quelques financements, mobiliser des bénévoles, recruter les premières personnes. Pas encore de stratégie à cinq ans, mais poser les fondations… et tenir bon.
Les débuts sont souvent lents et peu enthousiasmants, mais les vivre de manière méthodique vous permettra de jouer sur la durée.

⚠️ Mauvaise stratégie dans le jeu : éparpiller ses villageois dans la récolte des quatre types de ressources (bois, or, pierre et nourriture).
Focalisez principalement votre énergie sur les ressources de base (bois et nourriture) pour une croissance plus rapide.


⚠️ Mauvaise stratégie dans l’ESS : se lancer sur tous les sujets sans disposer des ressources humaines appropriées.
Misez sur une activité de base, votre socle, pour vous faire connaître et développer une expertise reconnue sur votre territoire.

3. Construire sa base, poser des fondations solides

Dans le jeu, plus votre base est bien organisée (flux des ressources, défense, bâtiments bien placés), plus vous êtes efficaces à long terme.
C’est le moment de penser structurevisionvaleurs — et pas seulement urgences.

🧱 Côté ESS : c’est là qu’il faut clarifier sa mission, son modèle économique, les rôles au sein de l’équipe.

Trop de structures restent en mode « survie permanente » sans poser ces bases. C’est souvent ce qui les empêche de changer d’échelle.

4. Étendre son influence : les forums et les antennes

Dans certaines stratégies du jeu, les joueur·ses construisent plusieurs forums (centres-villes) pour couvrir davantage de territoire, multiplier les points de production, et étendre leur puissance.


🎯 C’est très proche de ce que vivent les structures de l’ESS quand elles ouvrent de nouvelles antennes ou répliquent leur modèle dans d’autres territoires.

Mais cela demande :

  • plus de salarié·es ou bénévoles (les villageois dans le jeu),
  • une coordination à distance,
  • une répartition fine des ressources,
  • une bonne gouvernance partagée.


⚠️ Trop étendre sans consolider, c’est le risque d’avoir des forums isolés et vulnérables — autant dans le jeu que dans le réel. Quoi que vous décidiez, gardez toujours une base solide.

 

5. Planifier à long terme… et s’adapter en permanence

Un bon joueur d’AoE ne fonce pas tête baissée. Il planifie ses passages d’âge, anticipe ses besoins en ressources, adapte sa stratégie à celle de l’adversaire.

Dans l’ESS aussi, la stratégie n’est pas une option : c’est une condition de survie.
Mais cette stratégie doit rester souple, agile, capable de pivoter en cas de baisse de subvention, d’évolution réglementaire ou de nouveaux besoins.


🎲 Dans le jeu comme dans l’ESS : les meilleures stratégies sont celles qui anticipent les changements à venir grâce à une connaissance fine de l’environnement politique et social, à différentes échelles de territoire.

6. Gérer la concurrence (ou coexister avec elle)

Dans AoE, l’opposition est claire : c’est souvent vous contre vos ennemis.
Dans l’ESS, la concurrence est rarement souhaitée mais malheureusement bien réelle : appels à projets, recherche de subventions, ou projets similaires dans un même territoire.

Plutôt que « dominer le marché », les structures de l’ESS doivent souvent composer, se positionner intelligemment, ou au contraire coopérer — comme dans les alliances du jeu.

 

7. L’alliance plutôt que la guerre ? Coopération stratégique

Dans certains modes de jeu, comme dans la vraie vie des organisations, vous allez travailler main dans la main avec d’autres structures.
La connaissance fine d’un partenaire et les échanges réguliers que vous construirez avec lui sont la clé de la réussite d’un consortium face à des problématiques sociales complexes.

Dans l’ESS, la coopération entre structures est souvent la clé : mutualisation, réponse conjointe à un appel à projet, portage collectif…
Mais comme dans le jeu, les alliances ne fonctionnent que si les rôles sont clairs et la confiance bien posée.

 

Conclusion : apprendre en jouant, comprendre en explorant

Age of Empires nous montre qu’une civilisation ne grandit pas par hasard : elle repose sur une gestion fine des ressources, une vision collective, et une adaptabilité constante.

L’ESS n’a peut-être pas de catapultes… mais elle affronte, elle aussi, des batailles : contre l’isolement, le manque de moyens, les inégalités territoriales.
Et pour y faire face, mieux vaut avoir un bon plan, des villageois motivés… et quelques forums bien placés ! 

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